PROCESSUS, LA MATIÈRE D'UNE IDÉE
Studio de projet, ENSA PARIS MALAQUAIS, 2011-2012
Licence 1, semestre 2
Encadrant responsable
Can Onaner
Comment organiser et identifier le champ intentionnel qui guide le projet ?
On commencera à fonder un positionnement en fabriquant.
Voilà ce qu’en dit Beuys concernant son domaine de sculpteur : « Un concept qui prend son origine dans la parole et la pensée qui apprend en parlant à forger des concepts qui peuvent mettre en forme, et qui mettront en forme le sentir et le vouloir... Pour moi, la condition nécessaire au devenir d’une sculpture est qu’une forme intérieure apparaisse, dans la pensée et la connaissance et qu’elle puisse ensuite s’exprimer dans l’empreinte de la matière »
1ère exercice : Perception du bloc de terre en tant que forme
La masse de terre que vous avez en face de vous a une forme donnée. Il s’agit d’un parallélépipède, posé sur un socle, se présentant à vous sous ses 5 faces : la face vue d’en haut, et les 4 faces vues de côté. La sixième face est cachée.
Cette masse n’est pas encore de l’architecture. Elle est à l’échelle 1 : elle n’est pas la réduction, la miniaturisation d’un bâtiment. Il s’agit aujourd’hui de considérer cette masse comme une forme dont vous allez mettre en évidence les caractéristiques à travers la perception que vous pouvez en avoir. Cette perception peut varier selon les points de vue, selon l’angle et la distance à partir desquels vous regarder le bloc, mais aussi la lumière qu’il prend.
Phase 1 : Mise en évidence de la frontalité du volume
Thèmes abordés : la frontalité, la symétrie, la verticalité, l’horizontalité, la profondeur, le relief, la texture, le rythme, la dynamique et la tension
Phase 2 : Mise en évidence de l’angle du volume
Thèmes abordés : la diagonale, l’asymétrie.
Phase 3 : Mise en évidence de l’avant et de l’arrière du volume
Thèmes abordés : le devant, le derrière, le biais, la courbe
Au fur à mesure des trois phases, la forme de base se complexifie, gagne en présence plastique. A chacune de ses transformations analytique, la forme doit avoir un effet fort, générer une perception claire et puissante. Vous devez, pour cela, décider d’une intention plastique dès le départ des manipulations. Il peut s’agir d’un effet psycho-physiologique de la forme comme la légèreté, la pesanteur, la suspension, l’écrasement, l’élévation, la stabilité, l’instabilité, l’équilibre, le déséquilibre, la solidité, la fragilité, la compression, l’étalement, l’ouverture, l’enfermement, l’harmonie, la rupture, la continuité, la discontinuité, etc. Ou encore des « thèmes » plus abstraits mais qui peuvent être ramenés sur le plan de la perception plastique : la mise en abîme, la menace, le suspense, le secret, la fragmentation, la ruine, etc. Vous pouvez faire des associations entre différents mots et thèmes, de manière à enrichir votre intention et lui donner les moyens d’expression.
2ème exercice : Penser l’intériorité
Vous avez abordé le bloc de terre comme un volume que vous appréhendiez de l’extérieur. Vous avez mis en évidence les différentes propriétés de ce volume – propriétés géométriques, physico-dynamiques et matérielles. Cette semaine, vous allez penser l’intériorité d’un volume, en partant d’un nouveau bloc de terre. Vous devez dans un premier temps formuler une idée de l’intériorité qui vous serait propre : définir de façon personnelle le rapport entre dedans et dehors.
3ème exercice : le bloc de terre comme ensemble de formes
Vous avez successivement abordé le bloc de terre comme volume, puis vous l’avez interprété comme intériorité, dans son rapport dedans/dehors. A l’issue de ces deux étapes, vous allez maintenant aborder la fabrication d’un ensemble, d’une addition de formes, en traitant leurs intériorités et leurs articulations. A nouveau à l’échelle 1, il s’agit de définir une composition complexe, qui articule différentes parties, en définissant intériorités et rapports intérieurs/extérieurs, rapports de seuils, volumétrie d’ensemble.
4ème exercice : de la masse à la surface
Interpréter la forme avec intérieur obtenue à l’exercice précédent en utilisant du carton gris.
Le carton gris en 1mm ou 0.5mm peut être plié, découpé, assemblé mais pas courbé,
Ce nouvel objet doit traduire de la façon la plus proche possible les premières intentions. Dessiner l’objet précisément à l’échelle 1 en plan/coupe/élévation et en croquis de façon à mettre en évidence ses qualités spatiales.
5ème exercice : de la surface à la ligne
Le précédent objet en carton se transforme pour se construire avec des baguettes de bois. Des plans et coupes à l’échelle 1 viennent étayer la proposition finale.
6ème exercice : l’intérieur habitable
Dans le prolongement des exercices précédents, vous envisagez les «formes avec intérieurs» obtenues comme des intérieurs «praticables» par le corps humain. Vous passez donc de l’échelle 1/1 à l’échelle 1/100 en qualifiant les matérialités, les épaisseurs, les formes, les volumes, les agencements et les structures de vos objets précédents.
Envisagez les apports de lumière naturelle, les cadrages visuels ainsi que les postures du corps dans les volumes intérieurs. Redimensionnez votre dispositif en accord à des usages possibles.
7ème exercice : le parcours architectural
Mettez en place une continuité de parcours à l’intérieur de vos dispositifs en agençant comme au 3ème exercice vos dispositifs et leurs déclinaisons.
8ème exercice : trois sites imaginaires
Votre bâtiment va maintenant trouver un lieu d’implantation. Vous devez décliner vos dispositifs selon trois agencements différents qui correspondent à des sites, des ambiances, des gabarits et orientations spécifiques : 1° entre la route et la mer, en forme linéaire face à la mer, 2° sur la montagne, en ligne parallèle à la pente, 3° en ville, selon un gabarit de bloc urbain.
Dessins des étudiant.e.s : Claire Dardenne, Hadrien Kiref et Lina Jaidi
Objectifs pédagogiques
- Partir d’une matière physique et de la perception formelle et plastique de celle-ci pour déconnecter les a priori mentaux ou culturels liés à l’architecture.
- Réaliser que la conception architecturale n’est pas un projet linéaire mais un processus complexe qui peut prendre des chemins divers, parfois contradictoires. En partant d’une unique intention, nous en arrivons à un résultat « nal» qui n’est qu’une réalités possibles parmi d’autres.
- Découvrir la répétition et la différenciation par déclinaison comme outils essentiels de la conception.
- Partager son questionnement avec les autres et engager une démarche critique.
- Considérer l’objet, à chacune des premières phases, pour ce qu’il est : approche phénoménologique, considérer ses qualités physiques, spatiales et dimensionnelles, son effet de présence, en excluant tout caractère illustratif et tout effet de miniaturisation.
- Etudier les qualités spatiales et d’usage qui donnent envie d’habiter ce lieu.
- La question constructive est abordée de manière intuitive et de bon sens par rapport à un objectif de projet identifié :
La façon dont se répartit la matière et la lumière en terme d’intention est préférée à la notion « technique » de structure. La notion de structure et d’enveloppe n’interviennent qu’à la n du processus.
Références :
Phases 1, 2 et 3: Les exercices de la discipline propédeutique « Volume » et « Espace » du Vhutemas (1920-1930, Moscou)
Phases 3, 4, 5 : André Bloc, Anthony Gormley, la Bouteille de Klein, Bruce Nauman, Eva Hesse, Friedrich Kiesler, Fanny Maugey, Giuseppe Penone, Gordon Matta Clark, Katarzyna Kobro, Lucio Fontana, Richard Serra, Rachel Whiteread, Robert Jacobsen, Vito Acconci, Georges Didi-Huberman.